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EXPOSÉ 70

Des bienfaits de la pleine présence : humains, sociétaux, économiques et écologiques

Nous avons déjà vu les bienfaits personnels et spirituels de la pleine présence dans l’introduction, nous explorons maintenant ses bienfaits les plus généraux.

 « Devenir Soi »

Profondément, l’entraînement à la pleine présence est une voie éthique et spirituelle, humaniste, dans laquelle l’on devient Soi, avec un grand S. Devenir Soi signifie réaliser son bon fond, sa santé fondamentale, sa « personne authentique ». Le Soi n’est pas le moi, l’ego qui entrave et masque la personne authentique. Dans une formule, on peut dire que moins il est de « moi-ego » plus le « Soi-personne authentique » est présent. La réalisation de la personne authentique est finalement « Soi sans soi », Soi sans ego. Le Soi est profondément altruiste car moins il est d’égo égoïste, plus il est d’altruisme.

Ainsi, la pratique de la pleine présence commence par soi, mais ne s’arrête pas à soi et va jusqu’au Soi – l’état de perfection de l’altruisme transcendant le soi.

La pleine présence altruiste : moins d’égoïsme est plus d’altruisme

Certaines critiques de la pratique de la méditation la présentent comme une pratique individuelle et égocentrique, mais c’est tout le contraire. Il est certes important et nécessaire de commencer le travail par soi, sur soi, dans l’auto discipline. Mais il est indispensable de ne pas s’arrêter à soi d’une façon égocentrique. Le véritable travail sur soi dans la pratique de la pleine présence conduit à l’ouverture du cœur et de l’esprit, à l’ouverture altruiste aux autres et au monde.

De plus l’état de pleine présence, comme nous venons de le décrire dans le corps du manuel, va dans le sens de la diminution de la saisie égoïste, c’est-à-dire qu’elle va vers moins de solidité de l’ego-sujet et de ses projections-objets. Dans ce contexte : moins de solidité de l’ego est équivalente à plus d’altruisme. Moins d’ego, moins d’égoïsme est plus d’altruisme. Egoïsme et altruisme sont inversement proportionnels. Ainsi la pleine présence développe « l’altruisme non égoïste ». L’état altruiste, libre d’égoïsme, est la nature de l’expérience fondamentale de pleine présence.

En bref : l’état de pleine présence est un état altruiste qui est un remède à l’individualisme et au matérialisme égotique qui sont à la racine de la plupart de nos maux.

« Si vous voulez que les autres soient heureux soyez altruiste

Si vous voulez être heureux soyez altruiste. »

La transformation du monde par la transformation de soi

« Sois le changement que tu voudrais voir advenir »

Nous avons dans notre monde moderne atteint un confort matériel extérieur très important, mais nous manquons souvent du confort que constituent la paix et le bonheur intérieur. C’est une question et un problème de société. Notre société et notre culture sont orientées vers le matérialisme et l’individualisme, notre système éducatif ne parle guère des valeurs intérieures et de l’altruisme, il est trop orienté vers les valeurs extérieures et l’égoïsme.

Notre monde, l’humanité, notre société, ont besoin de mutations profondes qui demandent des changements collectifs, c’est-à-dire d’un ensemble de changements individuels. Mais changer le collectif commencent par se changer personnellement. Ce n’est que si chacun se change que la transformation collective pourra advenir. Il tient à « moi » de commencer le changement. Vouloir transformer les autres sans se transformer soi-même est illusoire.

De plus, pour développer la paix extérieure, il est nécessaire de trouver la paix intérieure au niveau individuel. C’est en sachant nous transformer dans nos comportements et nos modes de vie que nous pourrons changer le monde. C’est par la confiance en soi, en notre personne authentique et dans une vision altruiste du monde que nous pourrons résoudre les problèmes que nous avons créés. Nous ne pouvons pas changer le passé, mais l’avenir peut être changé, c’est notre responsabilité présente, dans la pleine présence.

La transformation du monde passe par la transformation de soi et la transformation de soi passe par l’entraînement à la pleine présence.

À l’origine des crises : la saisie cognitive

À l’origine des crises écologiques, économiques, sociétales, humaines, se trouve une crise cognitive, une crise de la conscience qui a son origine dans la saisie cognitive qui la constitue.

Le problème est que nous nous sommes exilés de la nature, de notre nature, en un monde de représentation, rien que mental, dans une bulle de conscience mentale qui nous coupe de la nature, la nature que nous sommes. Notre hypertrophie mentale nous fait vivre dans un monde virtuel, clos. Cette hypertrophie du mental va largement de pair avec une hypertrophie de l’ego : plus il est de saisie cognitive, plus il est d’ego. Nous souffrons en quelque sorte d’une « egoïte aigüe » dont les manifestations sont notre individualisme et notre matérialisme égoïste.

Le mental et l’ego nous exilent de la nature, en même temps qu’il nous exile de l’instant présent, les deux vont de pair. Il nous exile du présent nous entraînant constamment à ressasser le passé ou à anticiper l’avenir. La pratique de la pleine présence nous apprend à ne pas se distraire de l’instant présent, faisant corps avec lui sans partir dans le passé ou l’avenir. Le passé et l’avenir sont mentaux, seul l’instant présent est vraiment réel. En ce sens, la pratique de la pleine présence est une voie d’incorporation de la réalité de l’instant présent.

La saisie cognitive qu’est l’ego nous exile de l’instant présent et de notre nature véritable, la pratique de la pleine présence nous y ramène.

La dimension sociale de la pleine présence : savoir être et vivre ensemble

L’entraînement à la pleine présence cultive une ouverture et un comportement altruiste qui permettent d’être en harmonie avec son environnement humain et naturel. Cette ouverture altruiste, libre de violence égoïste, est l’espace d’un bien vivre ensemble harmonieux.

La nature humaine profonde, notre personne authentique, est fondamentalement altruiste. Nous sommes des animaux sociaux et notre bien être individuel dépend du bien-être du reste de la société C’est ainsi qu’en faisant le bonheur des autres, nous accomplissons notre propre bonheur. Si vous voulez être heureux, soyez altruiste ! Malheureusement, comme nous venons de le dire : notre société met aujourd’hui l’accent sur l’individualisme, nous sommes devenus trop centrés sur nous-même. Pourtant dans notre monde contemporain, complètement interdépendant, notre futur dépend de celui des autres, du reste de la communauté humaine, de la famille humaine.

Nous avons besoin de développer le sentiment d’unité de cette famille humaine. Notre nature humaine est la même, notre aspiration humaine au bien-être est la même, nos intérêts fondamentaux sont convergents. Dans la compréhension et l’expérience de cette unité, de notre dénominateur commun, nous pouvons développer coopérations et solidarités. La violence égoïste vient du sentiment illusoire de séparation, et à l’inverse, le sentiment d’unité amène paix et solidarité.

De plus, lorsque nous sommes investis dans un engagement altruiste, lorsque nous aidons vraiment, nous avons le sentiment d’être utiles aux autres, et ce sentiment amène confiance en soi et une vie pleine de sens. Prendre soin des autres nous fait être moins seuls et donne sens à notre vie. La pleine présence altruiste fait de nous des humains sains et heureux.

 La dimension économique de la pleine présence : l’économie de modération

L’économie de modération heureuse est une discipline qui commence à être enseignée dans des universités américaines, et certains la considèrent comme un moyen de sauver l’économie mondiale et d’opérer un renouveau civilisationnel[1].

Cette approche considère comme plus important le bonheur et la liberté que l’accumulation de possessions. C’est une économie éthique fondée sur la valeur des échanges interpersonnels réels plutôt que sur la spéculation capitalistique qui produit de l’argent virtuel à partir de « rien ». Cette économie donne plus d’importance aux valeurs intérieures, ce qui permet d’optimiser le bonheur personnel en offrant plus de bonheur avec moins de ressources. Elle prend soin à la fois de l’espèce humaine et de la planète Terre tout en accomplissant le bien-être et le bonheur de tous.

Notre économie de consommation-combustion, basée sur la consommation à outrance, a produit des montagnes de déchets et détruit l’environnement. Elle a créé d’immenses inégalités : les riches le sont de plus en plus, et les pauvres vivent toujours dans des conditions misérables. Dans notre interdépendance, nous ne pouvons pas rester insensibles devant cette situation : nous avons besoin d’une économie moins consumériste et moins égoïste.

L’économie de marché actuelle repose sur trois présupposés erronés, à savoir: (1) que les personnes ne sont qu’égoïstes et qu’elles ne prennent soin que d’elles-mêmes; (2) qu’elles sont toujours dans des désirs égoïstes insatiables, pour construire un style de vie extravagant; et (3) que l’environnement est une ressource intarissable que l’on peut consommer de façon illimitée. Ce modèle fondé sur la consommation nous a conduit à une impasse.

L’économie de modération heureuse est fondée sur trois principes : (1) La nature humaine fondamentale est bonne et altruiste ; ce qui est le contraire de l’idée selon laquelle chacun ne poursuit que son propre bien égoïstement ; (2) les humains sont interconnectés entre eux; et (3) ils sont connectés à la nature, ils ne la dominent pas mais en font partie, dans une interdépendance généralisée.

Le désir d’avoir toujours plus finit par induire un cycle d’insatisfaction, de malheurs et de désespoir. L’approche de la modération heureuse préconise une « simplicité volontaire ». Elle propose une économie de moyens dans une limitation des désirs, une vie d’harmonie, dans l’interconnexion qui nous lie avec les autres humains et avec la nature. C’est une économie sociale de coopération, de solidarité et d’entraide.

Le modèle économique de la transmission de la pleine présence, basé sur une économie du don, suit les principes de cette « économie de modération heureuse » qui procède de son éthique et de son esprit.

La dimension écologique de la pleine présence

Les problèmes économiques et écologiques sont étroitement connectés et ce que nous venons de dire sur l’économie de modération et le bonheur de la simplicité volontaire ont une portée profondément écologique. Mais, un aspect très important tient à ce que la pratique de la pleine présence change notre relation à la nature. Elle nous en rapproche et nous fait communier avec elle. Elle nous fait nous sentir véritablement « enfant de la nature ». L’environnement n’est plus une chose inerte que nous traitons égoïstement et exploitons inconsidérément. La nature, notre nature, est vivante, elle est notre mère bienveillante, celle qui nous a enfanté et qui nous donne tout ce dont nous avons besoin. Nous nous devons de la traiter avec reconnaissance et gratitude. La pleine présence nous reconnecte à cette terre mère et nous fait naturellement vivre cette appréciation et ce respect. Nous développons une relation charnelle à la terre, une histoire d’amour. Dans l’intelligence de l’interdépendance nous comprenons et vivons qu’habitat et habitant dépendent l’un de l’autre et que les nuisances que nous infligeons à notre habitat sont des nuisances que nous nous infligeons à nous-même. Dans la pleine présence altruiste nous apprenons à traiter la nature comme nous-même, avec non-violence et bienveillance.

[1] Voir : Prayudh Payutto, Buddhist Economics: A Middle Way for the Market Place (1982); E.F. Schumacher, Buddhist Economics; Tania Singer,‎ Matthieu Ricard, Caring Economics: Conversations on Altruism and Compassion, Between Scientists, Economists, and the Dalai Lama (2015); Collectif – Forum de l’Université Rimay, Une vision spirituelle de la crise économique, Altruisme plutôt qu’avidité

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