La spiritualité humaniste de la pleine présence

–     Une spiritualité à l’intersection de la science, de la philosophie et de la méditation

La voie de la pleine présence dans ses dimensions éthique et spirituelle est à l’intersection de trois disciplines : la pratique méditative, la science contemplative et la philosophie. Les trois sont fondées sur l’analyse, la logique, la raison et l’expérience directe. La pratique et la compréhension de la pleine présence sont non confessionnelles, agnostiques, il n’y a rien de religieux en celles-ci et en même temps elles ne sont en contradiction avec aucune religion de non-violence, d’amour et de compassion.

Considérons brièvement en quoi la pleine présence participe de ces trois disciplines que sont méditation, science et philosophie :

1. La dimension méditative de la pleine présence est sa pratique, son entraînement qui développe tous les bienfaits et les qualités que nous avons vus. La méditation de pleine présence stabilise l’esprit, réduit la saisie cognitive et permet la libération des empreintes subconscientes qui alimentent les illusions et passions conflictuelles.
2. La dimension philosophique se trouve dans la dimension éthique et spirituelle de la pleine présence ainsi que dans la connaissance de soi et de ce qui est. Sa pratique se comprend et se développe dans le cadre d’une phénoménologie qu’on pourrait dire opérative ou transformative.
3. La dimension des sciences contemplatives, l’entraînement à la pleine présence propose une expérience à la première personne, incluant le sujet de l’expérience. Les sciences contemplatives sont associées aux expérimentations scientifiques attestant des bienfaits de la pleine présence. Les recherches en sciences contemplatives ont donné naissance à une nouvelle discipline : la neuro-phénoménologie, qui étudie les interactions entre expérience vécue et cerveau.

Ces trois dimensions se recoupent largement, c’est pourquoi la pleine présence est à leur intersection et constitue un champ d’études et d’expérimentation transdisciplinaire.

–     Une voie de réalisation de « ce que je suis » et de « ce qui est »

Nous avons fait la différence entre le religieux, fondé sur la croyance et la spiritualité qui est la quête de la pleine compréhension de la réalité de ce que je suis et vis. Cette quête humaine universelle et intemporelle est la sempiternelle injonction d’Occident et d’Orient exprimée dans le « connais-toi toi-même » socratique ou le « réalise la nature de ton esprit et de la réalité» du Bouddha.

Cette quête spirituelle, recherche humaine fondamentale, est l’aventure éternelle de l’humain. C’est aussi dans cette perspective que nous parlons de la quête spirituelle comme d’un humanisme naturel, fondamental. Un humanisme, qui n’est pas réducteur, anthropocentrique ou matérialiste borné, mais un humanisme intégral qui prend en compte l’humain dans toutes ses dimensions, dans toute sa réalité, corps, souffle, esprit, pour « réaliser sa personne authentique », son Soi.

–     Une spiritualité atemporelle de l’instant présent

Nous venons de présenter la pleine présence comme pratique centrale d’une éthique humaniste. Nous terminerons en disant qu’elle est aussi une spiritualité humaniste de l’instant présent, de la présence immédiate, de l’immédiateté non-duelle. L’expérience de l’instant présent à laquelle introduit la pratique de la pleine présence, est le fond du fond de toutes les spiritualités essentielles de la véritable transcendance. Cette véritable transcendance étant celle de la dualité, du dépassement des illusions du mental conceptuel et des passions conflictuelles qui en procèdent. Cette présence d’instantanéité est le lieu de la connaissance transcendante, immédiate, non-duelle, a-conceptuelle, la pensée non pensée (que nous avons discutée à l’étape cinq).

Les enseignements naturels et universels de la pleine présence sont une expérience multimillénaire qui depuis son origine atemporelle a traversé beaucoup de cultures et de situations. Ces enseignements ont perduré dans leur expérience essentielle. Ils ont été présentés et énoncés de bien des façons mais ont toujours visé la même expérience. Ils n’ont pas toujours été reconnus mais ont toujours été présents. Ses enseignements sont intemporels car ils pointent vers l’expérience humaine fondamentale : première, pré-conceptuelle. Cette expérience naturelle est là depuis l’origine de l’humanité et le restera jusqu’à sa fin.

La pleine présence est le bien le plus fondamental et le plus précieux du patrimoine immatériel de l’humanité. Depuis l’origine de l’évolution humaine, notre développement conceptuel a de plus en plus occulté l’état de présence avec des élaborations mentales de plus en plus complexes et épaisses. La pratique de la pleine présence permet de réaliser la relativité et la transparence des concepts. C’est ainsi que la compréhension transcendante est une intelligence qui sans abandonner les concepts est libre de leurs illusions. La simple expérience, directe et immédiate, de l’état de pleine présence a toujours été et sera toujours. Cette expérience première, naturelle et universelle, est libre des conditionnements et illusions du mental, elle est la réalisation du bonheur liberté.

Cet enseignement était pertinent il y a 2500 ans, il l’est encore aujourd’hui et le sera toujours demain.